En prison, du pain pour la réinsertion
En France, des prisons intègrent des fournils, conçus comme des espaces de travail, de formation et de perspectives pour les détenus. Reportage à Nantes.
Environnement inhabituel pour une boulangerie. À la prison de Nantes (Loire-Atlantique), pas question de verrière ouverte sur le fournil. Chaque jour, les pains sont fabriqués dans un atelier fermé par une grille. On y accède par un large couloir desservant plusieurs cellules similaires.
Dans la n° 6, équipée de matériels professionnels, une petite dizaine de femmes en tenue de travail s’activent depuis 7 h 45. Du lundi au vendredi, elles s’emploient à pétrir, à façonner, à enfourner un millier de baguettes tradition par jour destinées aux restaurants des détenus et du personnel de la maison d’arrêt.
Le geste est assuré et la fabrication maîtrisée, pourtant ces femmes ont appris le métier sur le tas, par transmission entre détenues, sous la coordination d’un contremaître. Toutes se sont portées volontaires et ont été sélectionnées à l’aide d’une lettre de motivation et d’un entretien pour intégrer l’atelier boulangerie, une unité 100 % féminine.
L’activité est rémunérée (4,99 € de l’heure) dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire de 27 h 20 par semaine. « Ce qui leur offre une relative indépendance financière », observe Cynthia Le-Pichon, adjointe du pôle activité travail formation de la prison. Autres bénéfices : « La gratification apportée par la production quotidienne de bon pain frais, l’acquisition d’un savoir-faire, et le maintien d’un rythme de vie, avec des horaires, comme à l’extérieur. »
Ce dernier point peut faire figure de contrainte pour certains détenus très éloignés de l’emploi. D’où l’enjeu du dispositif, qui vise à favoriser la réinsertion socioprofessionnelle à la sortie de prison et à lutter contre la récidive.
Des détenus préparent le CAP
Dans l’atelier n° 6, à côté des baguettes, des viennoiseries refroidissent sur les échelles. Elles sont signées par d’autres détenus, qui préparent leur CAP boulangerie, une formation diplômante dispensée en partenariat avec l’association Préface. Trois jours par semaine, les boulangères partagent ainsi leur fournil de 120 m2 avec ces artisans en herbe. Sous la supervision d’un formateur, la promotion 2022-2023 compte neuf stagiaires hommes et femmes, une mixité exceptionnelle en prison. Là encore, l’objectif est de donner un cadre et un métier aux détenus, dans la perspective de leur libération.